La loi Sapin II permettrait au Haut Conseil de stabilité financière de suspendre temporairement les sorties de capitaux des contrats d'assurance-vie en cas de danger (crise financière, forte remontée des taux).
Dans le même temps, élément nouveau : les sénateurs viennent d'adopter l'amendement selon lequel les contrats d’assurance vie luxembourgeois ne seraient pas concernés par ces mesures conservatoires, sauf dans le cas où le fonds euros serait réassuré sur l’actif général d'une maison mère en France.
Dans le contexte financier incertain que nous connaissons, et parallèlement à la remise en question des politiques monétaires des banques centrales, le contrat d'assurance-vie luxembourgeois va revenir sur le devant de la scène.
Le but de cet article n'est pas de débattre sur la légitimité de paniquer ou non face à la loi Sapin II. Selon nous, elle ne fait qu'instaurer un cadre de procédure vis-à-vis d'un mécanisme de "gel" ou de "ponction automatique" qui existait déjà, et qui aurait pu, peut, ou pourra être mis en place en fonction d'un durcissement grave des conditions financières.
Tout cela va dans le sens d'une organisation des modalités de résolution en cas de crise financière. En cas de tensions majeures, qui payera les pots cassés ?
Les plafonds de dépôt sécurisé sont de 100 000 € pour les comptes bancaires, 70 000 € pour les contrats d'assurance-vie. Ces plafonds de sécurité sont évidemment théoriques. Par exemple, en cas de faillite de la compagnie d’assurance, le fonds de garantie (FGAP) est censé intervenir et couvrir votre contrat d’assurance vie jusqu’à 70 000 €. Néanmoins, ce fonds ne représente que 1.4 milliards d’euros de potentiel d’intervention, alors qu'il est censé couvrir l’ensemble des contrats d’assurances de personnes. En tenant compte du fait que rien que pour le fonds en euros, les encours français des contrats d’assurance vie sont estimés à environ 1300 milliards d’euros, le matelas de sécurité semble manquer d'épaisseur.
Notons d'entrée de jeu qu'il n'y a pas de solution miracle, il n'y a pas de safe haven. Seule une gestion intelligente et pro-active de votre épargne vous permettra d'atténuer les déconvenues éventuelles en cas de catastrophe.
Parmi les outils intéressants, un cadre d'investissement particulier peut être envisagé dans une réflexion patrimoniale : le contrat d'assurance-vie luxembourgeois. Avec l'adoption de l'amendement visant à l'exclure du champ d'application de la loi Sapin II, le contrat d'assurance-vie luxembourgeois est susceptible d'intéresser un certain nombre de personnes.
Mais revenons aux fondamentaux.
Est-ce un choix d'investissement pertinent ?
Tout d'abord, quelques mots concernant le Luxembourg en tant que place financière
Commençons par indiquer que le Luxembourg, avec une situation centrale en Europe, est l’un des principaux centres financiers internationaux. C’est la première place financière en Europe (2ème derrière les Etats-Unis au niveau mondial) en matière d’administration et de gestion de fonds d’investissement.
Le Luxembourg est une place financière de premier plan pour la gestion de fortune, notamment des résidents de l’Union Européenne. Le cadre réglementaire du Luxembourg est régi par les Directives Européennes qui impliquent un contrôle financier très strict.
Au cours des quarante dernières années, le Luxembourg, membre fondateur de l’Union européenne, a acquis une stature et une maturité qui en font aujourd’hui le plus grand centre de gestion de patrimoine de la zone euro.
Il occupe aussi la première place européenne en matière de fonds d’investissement devant la France.
Une situation au cœur de l’Europe
La gamme sans cesse enrichie de produits et de services proposée par la place financière du Luxembourg est à la hauteur de son excellente réputation dans le domaine de la gestion de patrimoine au service des clients privés et des familles. Grâce à la stabilité de sa situation politique et sociale, inégalée dans le monde, le Luxembourg est devenu synonyme de sécurité et recèle de multiples avantages :
- Une situation au coeur de l‘Europe
- Une superficie réduite
- Une expertise internationale et multilingue
- Une parfaite neutralité fiscale vis-à-vis des non résidents
- Une transposition rapide des Directives européennes
- Des organismes de réglementation flexibles et à l’écoute des professionnels, favorisant les développements et les évolutions du marché.
Le Luxembourg a toujours su tirer parti de sa position centrale en Europe, qui lui confère un accès facile aux grands pays limitrophes. Contrairement aux autres centres de gestion patrimoniale, le Luxembourg est un membre éminent de l‘Union européenne et jouit de la sécurité assurée par le cadre juridique de l‘Union européenne. Les opérateurs luxembourgeois peuvent ainsi exercer librement leur activité dans tous les pays de l‘Union européenne, en Libre Prestation de Services (LPS).
Qui plus est, la forte proportion de résidents étrangers au Luxembourg, présence marquée des institutions européennes, et sa population cosmopolite confèrent au pays une stature véritablement internationale.
Un environnement réglementé
Le Luxembourg a toujours été fier de sa capacité d‘adaptation rapide aux évolutions réglementaires et aux besoins du marché, tout en garantissant un degré élevé de sécurité et de protection grâce aux deux organismes de réglementation luxembourgeois réputés pour leurs savoir-faire et leur efficacité : le Commissariat Aux Assurances (CAA) et la Commission de Surveillance du Secteur Financier (CSSF).
Le Gouvernement luxembourgeois et les acteurs de la place financière du Luxembourg participent activement à la lutte contre le blanchiment d‘argent. Le Luxembourg a ainsi été l’un des premiers pays à adopter des mesures visant à combattre le blanchiment d‘argent en 1998 et, depuis lors, n‘a de cesse de les renforcer.
La Protection de l’Investisseur
Les compagnies d’assurance vie luxembourgeoises comptabilisent les engagements contractés à l’égard de leurs clients au passif de leur bilan sous forme de provisions techniques. Ces provisions techniques, de par la législation luxembourgeoise, doivent être représentées par des actifs équivalents en valeur et sélectionnés en fonction de leur qualité.
Le dépôt de ces actifs représentatifs doit se faire auprès d’une Banque dépositaire préalablement agréé par le Commissariat aux Assurances (art. 37 de la Loi modifiée du 6 décembre 1991 sur le secteur des assurances), quels que soient les supports d’investissement du contrat.
La réglementation luxembourgeoise impose la rédaction d’une convention tripartite entre la compagnie d’assurance, chaque Banque Dépositaire et le Commissariat Aux Assurances.
Cette convention impose à toute compagnie d‘assurance vie luxembourgeoise la création d‘un patrimoine distinct représentatif des engagements contractés à l‘égard de ses clients.
Principe de séparation des actifs représentatifs des provisions techniques
- Les actifs représentatifs des provisions techniques doivent être inscrits dans un inventaire permanent (art. 37 LSA) qui les distingue clairement des autres avoirs que la Compagnie possède et qui ne sont pas représentatifs d’engagements issus des contrats d’assurance vie ou de capitalisation (« patrimoine libre »).
- Le CAA contrôle et surveille les provisions techniques et l’inventaire permanent des Compagnies. Il peut prendre, le cas échéant, des mesures de protection en faveur des Souscripteurs.
Revenons aux aspects relevant de la protection des épargnants : finalement, au Luxembourg, les actifs représentatifs des provisions techniques constituent un patrimoine distinct (à l’intérieur du patrimoine général de la Compagnie) affecté par privilège à la garantie du paiement des créances d’assurance. C'est ce point qui constitue la différence fondamentale avec la France en matière de sécurité juridique.
L’obligation de déposer les actifs représentatifs auprès d’une banque agréée
- L’article 37 de la LSA dispose, en plus, que les actifs représentatifs doivent être déposés auprès d’un tiers (et non conservés par la Compagnie elle-même), à savoir une Banque dépositaire.
- Seules les banques agréées par le CAA peuvent exercer cette mission. La convention tripartite assure notamment que les actifs représentatifs déposés auprès de la Banque soient maintenus séparés de tous les autres engagements et avoirs de la Compagnie (dans la même Banque).
- En cas de difficulté de la Compagnie, le CAA a le droit de geler les avoirs déposés auprès de la Banque dépositaire.
- En cas de faillite de la Banque dépositaire, la Compagnie peut revendiquer la propriété de ses titres et autres instruments financiers, sous réserve qu’ils se trouvent en nature au moment de l’ouverture de la procédure.
Par ailleurs, chaque Souscripteur bénéficie d‘un « super privilège » vis-à-vis des créances de la compagnie d‘assurance vie.
Le « super privilège »
Les Souscripteurs disposent d’un privilège de premier rang (« Super Privilège ») sur les actifs représentatifs des provisions techniques inscrits dans l’inventaire permanent. Ce privilège prime tous les autres privilèges (art. 39 LSA), en ce compris ceux de l’Etat, du Trésor, des employés de la Compagnie.
Autrement dit, aucune autre personne que les Souscripteurs, assurés ou bénéficiaires n’ont de recours sur les actifs représentatifs lorsqu’une situation de concours intervient.
Enfin, les Souscripteurs bénéficient non seulement du Super Privilège mais également d’un privilège secondaire pour le surplus éventuel (en cas d’insuffisance du patrimoine distinct susvisé) sur le patrimoine libre de la Compagnie. Ce privilège secondaire est cependant primé par d’autres privilèges (art. 40 LSA). Il s’agit principalement des frais procéduraux, et des dettes que l’entreprise d’assurance a envers ses employés.
Neutralité de la place fiscale luxembourgeoise
- Le Luxembourg n’applique aucune fiscalité aux non résidents luxembourgeois en matière d’assurance vie et de capitalisation (aucune imposition sur les rachats, ni sur les arbitrages et les capitaux décès) ; seule la fiscalité du pays de résidence du Souscripteur (et des bénéficiaires le cas échéant) est applicable.
- La fiscalité appliquée en pratique par la Compagnie d’Assurance luxembourgeoise (directement ou via représentation fiscale) dépend du pays de résidence du Souscripteur. Aucune fiscalité supplémentaire liée au Luxembourg ne s’applique.
- Les produits (intérêts, dividendes et plus-values) générés sur les contrats bénéficient donc, pour un souscripteur résident fiscal français, d’un différé d’imposition à l’impôt sur le revenu.
- Le résident fiscal français souscripteur d’un contrat d’assurance vie au Luxembourg devra déclarer celui-ci à l’occasion du dépôt de sa déclaration d’impôt sur le revenu en mentionnant les informations du contrat sur papier libre (Article 1649 AA du CGI et Article 344 B et C de l’annexe 3 au CGI.). Le défaut de déclaration est sanctionné d’une amende fiscale.
La portabilité du contrat
Pour les Souscripteurs résidents des pays de l’Union Européenne, les compagnies d’assurance vie luxembourgeoises ont développé un savoir-faire spécifique indispensable pour les accompagner de manière efficace, notamment lorsqu’un changement de pays de résidence intervient.
Le Luxembourg est considéré comme la « Place Internationale » de référence en matière d’Assurance-Vie pour les personnes à forte mobilité géographique :
- Gestion des contrats en devises autres que l’euro (USD, GBP, CHF…).
- Contrats adaptés au contexte spécifique local, de façon à bénéficier de la qualification de contrat d’assurance vie
En cas de changement de pays de résidence fiscale :
- Le contrat peut être adapté par voie d’avenant au nouveau contexte local, de façon à bénéficier des traitements fiscaux favorables le cas échéant
- La fiscalité du nouveau pays de résidence s’applique, sans interférences avec l’ancien pays de résidence fiscale : neutralité fiscale
Les différents types de fonds internes
Les contrats d’assurance-vie luxembourgeois permettent l’accès à des fonds internes dédiés, constitués sur mesure à la demande du Souscripteur.
Nous pouvons distinguer 5 types de fonds internes dont l’accès dépend de la classification du Souscripteur.
Les Souscripteurs sont également classés en 5 catégories. Chaque Souscripteur est classé en fonction du montant de l’investissement et de sa fortune en valeurs mobilières.
Un seul et même contrat peut comprendre plusieurs fonds internes.
- Gestion de portefeuille personnalisée, définie selon un cahier des charges, à l’intérieur d’une enveloppe juridique et fiscale assurance-vie ou contrat de capitalisation. La stratégie d’investissement est choisie par le client, et l’assureur est tenu de respecter les contraintes d’investissement qui lui sont imposées par celui-ci.
- Accès à un très large choix de classes d’actifs : Titres vifs, hedge funds, fonds immobiliers, trackers, EMTN, produits dérivés…
- Possibilité d’investir dans plusieurs fonds internes et donc de bénéficier de plusieurs gestionnaires financiers au sein d’un même contrat.
- Transferts de portefeuilles titres existants possibles. Possibilité de changer de gestionnaire / dépositaire sans « casser » l’antériorité fiscale du contrat.
- Comptabilité séparée du fonds interne dédié tenue par l’assureur et un audit régulier indépendant des comptes est établi pour assurer une gestion dédiée en conformité avec la réglementation (notice d’information spécifique + calcul de la VNI).
Au-delà de l‘accès à une gestion sur-mesure, c‘est l’accès à un très large panel d’actifs réglementés, c’est aussi l’accès à de nombreuses devises majeures ou encore la possibilité de souscrire en numéraire ou par apport de titres.
Pour conclure, et pour répondre à la question initialement posée : oui, le contrat d'assurance-vie luxembourgeois peut constituer un outil de gestion patrimoniale et de planification successorale pertinent, et peut constituer un bon "contenant" pour votre épargne.
Reste à savoir ce qu'il convient de loger à l'intérieur, quel est le "contenu", sur quels types de fonds allez-vous investir au travers de votre contrat d'assurance-vie luxembourgeois ?
Si c'est pour investir sur du fonds en euros français, qui constitue bien souvent une forme d'épargne nationalisable et investie dans de la dette publique de pays surendettés, aucun intérêt de notre point de vue à s'orienter sur le Luxembourg. Autant garder l'antériorité fiscale et la garantie en capital fournie par l'assureur sur un contrat français, si l'on souhaite continuer à bénéficier de taux estimés à environ 2 % en moyenne sur 2016, avec garantie en capital (néanmoins, gardez en tête : taux amenés à diminuer mécaniquement dans les années à venir, en plus d'un "scénario de l'inconnu" lié à une remontée éventuelle des taux souverains...). Notons aussi qu'il faut bien différencier les fonds en euros des différentes compagnies. Les sous-jacents et les performances sont très disparates, et certains seront sans doute plus à l'abris que d'autres.
Pour rester cash, et si le souhait de se positionner sur un contrat luxembourgeois correspond à une volonté de ne pas se faire "bloquer" sa demande de retrait, il vaudrait mieux privilégier des fonds monétaires / fonds de trésorerie court terme (avec l'inconvénient de supporter le coût des frais de gestion du contrat et l'impact des taux courts bas, voire négatifs). Le tout sans garantie en capital.
Autre possibilité, les fonds actions et obligations. Mais il est raisonnable de penser que si la loi Sapin II est mise en pratique, et que l'on assiste à un blocage des contrats d'assurance-vie français, alors dans ce cas les marchés obligataires et actions devraient subir des mouvements relativement très importants... Sans parler des questions liées aux valorisations actuelles, que nous avons déjà soulevées dans d'autres articles.
En partant de ce raisonnement, le meilleur moyen de bien piloter son épargne pourrait passer par une gestion financière diversifiée, flexible, pro-active et intelligente, réalisée sur mesure. C'est ce qu'on se propose de faire ici.
En dehors du contrat d'assurance-vie luxembourgeois, d'autres véhicules d'investissement "hors système traditionnel" peuvent évidemment être envisagés, mais ceux-ci doivent faire l'objet d'une réflexion dans le cadre d'une étude patrimoniale complète.
Autre note d'actualité concernant la loi Sapin II : La limitation dans le temps des mesures est validée. Le blocage temporaire par le Haut conseil de stabilité financière (HCSF) du paiement des valeurs de rachats n'est maintenu que pour une période maximale de six mois.